Par Florence
« Il arrive que deux âmes se rencontrent pour n'en former plus qu'une. Elles dépendent alors à jamais l'une de l'autre. Elles sont indissociables et n'auront de cesse de se retrouver, de vie en vie. Si au cours d'une de ces existences terrestres une moitié venait à se dissocier de l'autre, à rompre le serment qui les lie, les deux âmes s'éteindraient aussitôt. L'une ne peut continuer son voyage sans l'autre. »Marc Lévy
Nous venions de fouler pour la première fois le sol de l'endroit qui allait abriter les souvenirs les plus merveilleux et intenses que je n'ai vécu en près de cent années d'existence. Je ne parvenais pas encore à assimiler ce qui venait de se dérouler ces dernières heures. A peine quelques jours plus tôt, je me trouvais dans le lit de ma bien aimée et voilà que je pouvais désormais dire que celle-ci était ma femme, Madame Cullen. S'il m'avait encore été donné la possibilité de dormir et par conséquent de rêver, j'aurais été capable de dire que tout ce que je venais de vivre n'avait été qu'un songe tant le bonheur qui m'envahissait en cet instant semblait irréel. Je devais avouer que ma condition de vampire n'était pas une chose qui me ravissait et j'aurais donné tout ce que je possédais pour pouvoir, un jour, redevenir un être humain ordinaire et mortel. Cependant, j'avais assez de recul désormais pour comprendre que l'ensemble des événements pénibles que j'avais vécu depuis ma transformation m'avaient conduit à cet instant, dans cette maison avec cette femme, ma femme, et je ne pouvais qu'être heureux de les avoir vécu.
Sortant de mes pensées, je posais tendrement les yeux sur Bella. Elle ne cessait de jeter des coups d'œil sur les choses qui l'entouraient et semblait ravie de ce qu'elle découvrait. Je fus heureux de la voir si comblée en cet instant. Une ombre s'inscrivait pourtant devant ce parfait tableau: j'avais fait à Bella une promesse que je me devais de tenir. J'avais juré qu'après l'avoir épousé et avant de la transformer, je tenterais d'avoir des relations avec elle. Je rejetais l'idée de lui faire le moindre mal et j'avais conscience - plus qu'elle d'ailleurs - que j'étais susceptible de la blesser... ou pire. Je ne voulais pas qu'un drame vienne troubler notre bonheur idyllique mais je devais admettre que moi aussi, au fond de mon être, j'avais envie de vivre cela. J'avais tenté de me persuader que j'étais en mesure de contrôler mes pulsions et je savais que je ne cesserai pas un seul instant de me concentrer sur mon objectif qui était de la combler sans lui faire le moindre mal. Cependant, une part de moi me soufflait que j'avais inventé ces arguments dans l'unique but de satisfaire, une fois de plus, mon égoïsme. Je me résolu toutefois à prendre les choses en main. Après avoir inutilement inspiré une goulée d'air sans que Bella ne s'en rende compte, je pris la parole :
- Je me demandais, si... d'abord... tu aimerais partager un bain de minuit avec moi ?
Mon timbre avait été hésitant et mes muscles se crispèrent lorsque mon cerveau assimila ce qui allait réellement se produire quand cette fille, qui était désormais mienne, allait me rejoindre dans l'eau chaude de la mer qui nous entourait. Une deuxième inspiration, plus profonde cette fois, me fût nécessaire pour reprendre mes esprits. Je ne voulais pas que Bella s'alarme en voyant mon expression et il était de mon devoir d'époux de la rassurer.
- L'eau sera bonne. La plage est de celles que tu apprécies.
En plongeant son regard dans le mien, elle semblait déterminée et ne paraissait pas craindre les événements qui allaient survenir. Pourtant, son cœur s'emballa très légèrement, trop légèrement pour que son corps d'humaine le ressente, et sa voix tremblait délicatement lorsqu'elle me répondit.
- C’à l'air sympa.
-Tu as sans doute envie de quelques minutes humaines... le voyage a été long.
Elle accepta ma proposition d'un timbre inquiet - peut être prenait-elle enfin conscience des événements dangereux qui allaient suivre si elle s'obstinait dans la résolution qu'elle avait prise. Avant de sortir de cette pièce pour laisser ma Bella un peu seule, je ne pus m'empêcher de l'embrasser, la toucher, la sentir délicatement. Je déposais un délicat baiser dans le creux de son cou, juste sous le lobe de son oreille. Son cœur réagit aussitôt à ce contact et se mit à battre la chamade. J'aimais énormément la sensation que créaient mes baisers sur elle et j'appréciais le fait que même après notre union, elle restait sensible à mes caresses. Je ne pus m'empêcher de rire en sentant son corps réagir à mon contact - Bella resterait toujours beaucoup trop sensible mais cela m'enchantait. Il fallait pourtant qu'elle se rende compte du lien nouveau qui nous unissait.
- Ne soyez pas trop longue, madame Cullen.
Elle réagit immédiatement en entendant ce nouveau nom - décidemment, les réactions de Bella ne me décevraient jamais... Un sourire se dessina sur mes lèvres tandis que celles-ci glissaient doucement vers les épaules de mon épouse mais je me devais d'interrompre ce moment afin de laisser à Bella un peu de temps avec elle-même.
- Je t'attends dans l'eau.
Je me hâtais de sortir de cette chambre pour permettre à Bella de vaquer à ses occupations humaines sans qu'elle ne sente le poids de ma présence autour d'elle. Avant d'ouvrir à la volée la grande baie vitrée qui donnait sur la plage de l'île d'Esmé, je retirais ma chemise. Je souhaitais que Bella comprenne clairement que je n'allais pas me dérober ce soir, même si elle m'avait déjà vu torse nu à de nombreuses reprises. Mes pas foulèrent rapidement le sable immaculé tandis que je m'afférais à enlever le reste de ma tenue. Bien que l'air chaud qui frappa ma peau n'eut aucun effet sur ma personne, je souris tendrement en imaginant Bella mettre le nez dehors : elle aimait la chaleur par dessus tout et je voyais déjà ses yeux se clorent au contact de cette atmosphère qui lui procurerait un bien être soudain. Après avoir jeté les vêtements qui m'encombraient les mains, je plongeais mon corps dans l'eau de cette mer. Cette dernière était chaude et empêcherait que Bella ne frissonne à mon contact - autant ne pas rendre cet instant encore plus inconfortable...
Une fois mon corps entièrement plongé dans l'eau, il me fallait me concentrer sur les événements qui allaient suivre. Je fermais mes yeux afin de repenser aux paroles de mes frères et de Carlisle lorsque je leur avais posé des questions sur ce sujet. Bien évidemment, ils avaient tous tenté de me rassurer. Carlisle, en parfait père qu'il était, m'avait de nouveau affirmé toute sa confiance, confiance dont je me devais d'être digne. " Tu as toujours fait preuve d'une maîtrise impressionnante depuis que tu fréquentes Bella. Je sais que tu parviendras à te contrôler " m'avait-il affirmé. Jasper avait quant à lui soutenu que cette expérience était magique, intense même si j'avais conscience des réserves qu'il n'avait pas exprimé à haute voix. J'avais entendu les réflexions de son esprit à cet instant : " Son sang va affluer dans toutes les parties de son corps. Celui-ci va se réchauffer et devenir encore plus appétissant à mesure que son odeur va devenir irrésistible. Et, à ce moment là, il sera très difficile de se contrôler ". J'avais alors cessé de l'écouter. J'avais conscience que tout cela était vrai et, par conséquent, il n'était pas nécessaire de me perturber d'avantage en soulignant ces détails. J'avais fait une promesse à la femme que j'aimais, je me devais de respecter mon engagement et - bien que cette pensée soit révélatrice de mon égoïsme - j'avais également très envie de vivre cet instant avec elle. J'avais par conséquent besoin que Jasper me rassure et non qu'il me déroute d'avantage. Quant à Emmett, il m'avait énoncé quelques blagues vulgaires dont lui seul avait le secret avant de m'assurer de sa confiance... et de me taper l'épaule en disant " Tu vas enfin tirer ton coup mon vieux. Déstresse! ".
Et Jacob... Sa réaction m'avait beaucoup plus déboussolé que je ne l'avais laissé paraître. Lorsque Bella lui avait annoncé que nous allions partager une vraie lune de miel, elle et moi, il m'avait menacé de mort et s'était tellement énervé qu'il n'avait pas pu résister et s'était transformé en loup. J'avais conscience que Jacob n'était pas l'être le plus impartial que je puisse trouver mais je ne cessais de lui trouver des excuses pour justifier son attitude. Il aimait Bella, cela était indiscutable, et il ne souhaitait que son bonheur. Il avait également peur pour elle, peur que je ne la blesse, que je ne la tue... et il avait raison. Au moment où Alice m'avait enlevé Bella dans le but de lui faire enfiler - plus ou moins de force selon la résistance de mon amoureuse – sa tenue de voyage, j'avais pu échanger quelques mots avec Carlisle à propos de cet incident. " Cesse de te tourmenter Edward. Vous avez déjà vécu tant de moments intimes qui semblaient dangereux pour un œil externe sans qu'aucun désagrément n'ait lieu. Pense à cela et aie confiance en toi. Aie confiance en vous ".
J'émergeais alors de l'eau tiède de cette mer. Celle-ci m'arrivait désormais jusqu'à la taille et, en rouvrant mes paupières, je me perdis dans la contemplation de la lune. Il me semblait que ce décor était favorable à ma réflexion. Il est vrai que ma relation avec Bella n'avait pas toujours était facile. Elle n'avait d'ailleurs jamais été facile. Elle avait nécessité que je fasse preuve d'une maitrise complète de ma personne puisqu'elle, fragile et tendre humaine, en semblait incapable. Je me souvins de la première fois où j'avais passé la nuit à la regarder dormir. Cela avait été difficile pour moi de résister à son odeur, de résister à l'envie de la toucher, de la prendre dans mes bras, mais cela était également surmontable... La première fois que j'avais osé poser mes lèvres froides sur les siennes - difficile mais surmontable. La première fois que j'avais passée la nuit dans son lit à la regarder dormir, sa tête posée sur mon torse - difficile mais surmontable. J'étais parvenu à franchir graduellement toutes les étapes de notre relation et aujourd'hui allait être l'apogée de celle-ci. Cela allait être difficile, j'en étais conscient... et peut être insurmontable. Pourtant, lorsque j'y songeais, la seule chose qui avait été difficile à faire et que je n'étais pas parvenu à mener à bien avait été de la quitter. Cette nuit n'avait rien de comparable mais serais-je encore moi-même lors de ce moment si important et intense ? Je perçus alors le bruit de son pied qui entrait dans l'eau. Cela eut l'avantage de me faire sortir de mes sombres pensées. Mes pupilles se reconcentrèrent sur la lune et je m'aperçus que la place de celle-ci avait évolué. Bella avait dû passer un long moment à se préparer mais, perdu dans mes idées, je ne m'en étais guère rendu compte. Jusqu'à présent, au lieu de me détendre, je n'étais parvenu qu'à me faire douter de moi-même. Elle arriva à ma hauteur et, en voyant sa peau blanche si près de la mienne, je compris que je ne pourrais jamais douter de l'amour inconditionnel que je portais à cette frêle jeune fille et cet amour avait le pouvoir de vaincre tous les obstacles qui se dresseraient sur son chemin.
- Magnifique ! murmura-t-elle.
- Pas mal, répondis-je.
Je changeais ma position afin de lui faire face et de pouvoir enfin plonger mon regard dans le chocolat fondu de ses yeux. Elle ne bougea pas en me voyant me déplacer mais un timide sourire apparut sur ses lèvres lorsque mes doigts se mêlèrent aux siens sur la surface de l'eau.
- Je n'emploierais pas le mot magnifique. Pas quant tu es là, à soutenir la comparaison.
Elle sourit en m'entendant prononcer ces mots et, au fond de moi, j'étais persuadée qu'elle pensait que je n'étais pas totalement sincère et que je ne pouvais qu'être ébahit devant le paysage qui s'offrait à moi. Pourtant, elle se trompait lourdement. Rien au monde n'était plus beau à mes yeux que ce sourire, ces pommettes roses et cette silhouette filiforme. Doucement, elle sortit sa main de l'eau et la posa sur mon torse, à l'endroit même où mon cœur mort se situait. Ma respiration se modifia et un tremblement parcouru mon échine. Ce contact réveilla une envie en moi que j'avais tenté de refouler de peur de blesser la femme que j'aimais.
- J'ai promis d'essayer. Si... si je fais quelque chose de mal, si je te blesse, tu dois aussitôt m'avertir.
Elle acquiesça sans tenter, pour une fois, de me contredire en prononçant certaines phrases réconfortantes telles que " J'ai confiance en toi " ou " Tout se passera bien ". Elle rapprocha nos corps nus et appuya sa tête contre ma poitrine. Le moment était parfait et la terre aurait pu cesser de tourner, je ne m'en serais guère aperçu. Néanmoins, l'échéance se rapprochait et brisait la magie du moment.
- N'aie pas peur, me souffla-t-elle, nous sommes faits l'un pour l'autre.
Cette phrase, destinée à me tranquilliser, était inédite. Je ne sais si c'est cette nouveauté ou simplement le fait que ces mots semblaient plus qu'évident mais la peur en moi diminua. Je savais désormais que j'étais incapable de faire le moindre mal à cet être car elle était plus que mon épouse : elle était ma moitié, une part de moi dont je ne pourrais jamais me séparer. Mes bras se refermèrent autour de ses hanches, sur sa peau si douce.
- A jamais, lui promis-je.
Je la força alors tendrement à éloigner son corps du mien et, après quelques secondes, mes lèvres se posèrent tendrement sur sa bouche. Elle répondit doucement à mon baiser : aucun de nous ne voulait précipiter les choses. Sa main libre fourragea dans mes cheveux tandis que la mienne caressait doucement sa colonne vertébrale. De mon autre main, mon pouce faisait des allers-retours sur le dos de sa main. Notre baiser dura quelques secondes pendant lesquelles le temps sembla s'être arrêté. Soudain, sa respiration se heurta et son rythme cardiaque s'accéléra. Sa main se fit plus violente alors qu'elle saisissait mon visage. Le moment n'était pas encore venu et je devais le lui faire comprendre sans l'attrister. Doucement, je mis fin à notre étreinte. Elle me lança un regard interrogatif et je ne pus m'empêcher de rire.
- Patiente encore un peu ma Bella. J'ai prévu quelque chose avant de...
Elle profita de cet instant de silence pour exprimer son mécontentement.
- Tu sais que je déteste les surprises Edward.
Elle paraissait vraiment en colère mais ses traits se détendirent lorsqu'elle me vit sourire en réponse à son énervement. Elle n'avait décidemment pas changé. Déjà au début de notre rencontre, ses crises de colère déclenchaient mon hilarité. Je la comparais alors à un chaton sans défense et inoffensif qui se révoltaient. Son énervement paraissait tout aussi insignifiant aujourd'hui.
- Ca ne durera pas très longtemps chérie. Nous devons juste nous rendre sur l'île voisine. Elle se situe à un peu plus d'un kilomètre au nord. La vois-tu ?
- Euh... Non, je suis navrée.
Ses yeux d'humaine n'étaient vraiment pas très performants mais j'avais conscience que l'obscurité ne rendait pas la chose aisée.
- Je suppose que tu es trop fatiguée pour nager, repris-je. Grimpe sur mon dos et ferme les yeux, nous serons là-bas en un clin d'œil.
Elle ne semblait pas très rassurée et j'étais convaincu que le souvenir de sa première balade dans la forêt sur mon dos n'était pas sans lien avec sa réaction. Elle n'avait jamais nagé avec moi mais, même si ma vitesse était supérieure à celle d'un humain, je nageais moins vite que je ne courais. Bella ne serait donc pas malade et aucune nausée ne viendrait troubler notre première nuit. Un signe de tête encourageant et un de mes sourires suffirent à la convaincre. Elle s'accrocha à mon cou et passa ses jambes autour de la taille. Le contact de sa peau sur la mienne me fit frissonner mais je ne m'attardais pas sur cette sensation.
Le chemin pour se rendre sur notre lieu de destination ne dura que quelques secondes et une fois posée par terre, Bella ne semblait pas souffrante. Elle tourna le dos à la mer dans le but de regarder la surprise que je lui avais préparé et qui était la cause de notre présence ici. Une tonnelle de grande taille en toile avait été mise en place. Une allée en bougies et en pétales de roses permettaient de se rendre jusqu'à celle-ci. Au centre de cet abri, une table avait été dressée pour Bella et les quelques accessoires dont j'avais besoin ce soir étaient présents. L'équipe de nettoyage avait respecté mes demandes et avait été, qui plus est, très ponctuel pour l'allumage des bougies et la mise en place du repas. Cet endroit me plaisait particulièrement mais je ne savais pas s'il en était de même pour Bella. Je ne parvenais pas à déchiffrer sa réaction puisqu'elle était toujours dos à moi.
- Je suis désolé, il ne s'agit pas d'une surprise spectaculaire, m'excusais-je tout en lui passant un peignoir en soie, plus par pudeur et confort que par réelle nécessité. Je voulais que l'on passe quelques minutes ensemble après notre arrivée.
- Tu plaisantes j'espère. Cet endroit est... magique.
Elle arborait un sourire éblouissant et dans ses yeux brillaient mille étoiles. Je fus soulagée de constater que ce petit changement dans son programme ne l'avait pas affecté outre mesure.
- Par contre, si tu m'as conduite ici pour me faire manger, reprit-elle en désignant la table, saches que je n'ai pas faim.
- Il y a tout ce que tu aimes ici. Rien de chaud bien sûr vu la température extérieure. Tu devrais te nourrir un peu Bella. A part ce que tu as grignoté dans l'avion, tu n'as rien avalé depuis la cérémonie. Tu vas être affamée demain matin.
Elle avait écouté mes arguments sans me contredire mais je voyais à ses traits qu'elle n'avalerait rien de ce que je lui offrirais ce soir. Qu'est ce que cette fille pouvait être butée lorsqu'elle le voulait.
- Autant passer immédiatement à la suite du programme alors... Je veux dire, repris-je en comprenant le double sens de mes paroles, à la suite du programme prévu sur cette île.
Si elle était déçue, elle n'en laissa rien paraître. Peut être se disait-elle, et à juste titre, que ses arguments n'y changeraient rien et qu'elle avait tout intérêt à me laisser rapidement mener à bien ce que j'avais prévu. Je la força doucement à s'installer sur la chaise préparée spécialement pour elle et elle fît ce que je lui demandais sans rechigner ou se plaindre. Pour ne pas la faire patienter plus que nécessaire, je m'afférais à préparer les derniers détails de ma surprise. Cela consistait en peu de chose : allumer la chaîne hi-fi à piles qui était présente et insérer à l'intérieure de celle-ci un compact disc. En une fraction de seconde, je me retrouvais assis aux pieds de Bella. La musique n'avait pas encore débutée et je pourrai à ma guise admirer l'expression de son visage lorsque celle-ci commencerait. Lorsque les premières notes jaillirent de l'appareil, les prunelles de mon amoureuse s'éclairèrent.
- C'est toi qui as composé ce morceau ?
Je hochais la tête et un radieux sourire apparut sur mes lèvres. Comme si nos corps étaient reliés, la bouche de Bella répondit immédiatement à ce signe et son visage se fendit en un sourire radieux. Tout en gardant cette expression ébahie, elle ferma lentement les yeux et se laissa bercer par le son de la musique. Pour ma part, je posa ma tête sur ses genoux et caressa ses mollets tout en réécoutant cet air que j'avais mis si peu de temps à composer. La première fois que je mettais décidé à composer une musique à Bella, j'avais été impressionnée par la rapidité avec laquelle j'avais réussi à l'écrire. Cet air été apparut dans ma tête, sans que je ne l'ai réellement voulu. Quand j'y réfléchissais, les musiques que je lui avais composées étaient à l'image de notre relation. Au début, cette dernière n'avait pas été évidente : l'amour que je portais à cette frêle humaine n'était en rien voulu, tout comme cette berceuse qui m'était apparue sans que je n'ai réellement cherché à l'écrire. De plus, mes doigts sur le piano avait été hésitants, cherchant plusieurs accords avant de trouver celui qui conviendrait parfaitement à l'esprit dans lequel je me trouvais. Notre amour avait été ainsi, au début, hésitant. J'ignorais jusqu'où je pouvais aller avec elle. Je m’interdisais de lui toucher la main... avant de voir que j'étais capable d'assouvir cette envie sans la blesser. Je me refusais à l'embrasser, jusqu'à ce que je cède à cette douce tentation. J'avançais à tâtons dans cette relation tout comme mes mains cherchant les notes adéquates sur les touches du piano.
Cette fois, les choses avaient été différentes. A l'instant même où j'avais eu l'idée de composer cette musique, celle-ci s'était imposée d'elle même à mon esprit, telle une évidence. Cette envie de faire naître un nouveau morceau m'était venue alors que je chantais une fois de plus sa berceuse à Bella. J'avais alors pensé que, pour notre première nuit différente à celle-ci, il serait nécessaire d'être plus imaginatif et inventif. Tout avait alors été très simple. La musique avait jaillit dans ma tête de façon parfaite et la retranscription sur le piano avait été des plus faciles.
- C'est magnifique, murmura-t-elle, les yeux toujours clos. Alors, c'est donc cela ?
- Quoi donc ?
- Notre nouvelle chanson ?
- En effet, cette chanson nous appartient mais je désirerai te demander une faveur... Contrairement à la berceuse, je souhaiterai que cet air reste entre nous, que nous ne le partagions avec personne.
- Je suis d'accord, bien entendu. J'ai tout de même le droit de conserver le CD j'espère.
- Non. C'est une musique spéciale voyage de noces. Le charme serait rompu si tu l'écoutais en dehors de cet endroit.
- Mais... Je vais l'oublier, plus tard, lorsque je ne serais plus humaine et que tout mon passé sera recouvert d'un voile.
- Ne t'inquiète pas, chérie. Si tu es sage, je te jouerai cette composition à chacun de nos anniversaires et à chaque fois que nous reviendrons sur cette île. Elle nous rappellera ainsi exclusivement les instants que nous aurons vécus ici.
Je releva ma tête de ses genoux et lui prit la main. Une chaleur émanait de celle-ci. Bella suivit mes mouvements et se leva. Nos visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre et, comme si nos esprits étaient reliés, Bella comprit mon intention et passa sa main autour de mon cou pour m'offrir une danse. J'avais la prétention de croire que j'étais le seul homme à avoir pu calmer l'aversion de Bella pour la danse. Certes, elle n'était pas - et ne serait jamais - capable de mener à bien une chorégraphie sophistiquée mais elle était désormais douée pour suivre mes pas et m'offrir un slow. Elle appuya sa tête contre mon torse et nous nous laissâmes bercer par le son de la musique qui était le seul bruit qui nous entourait à l'exception des remous des vagues dans l'océan. La musique se termina rapidement - trop rapidement pour moi qui souhaitais avant tout ne pas précipiter les choses ce soir. Elle releva alors la tête et se dressa sur la pointe des pieds afin de s'élever à ma hauteur. Elle posa de touts petits baisers sur mon menton, ma pommette et mes lèvres avant de me demander d'un air gentiment accusateur :
- C'est fini pour les surprises ?
A court d'imagination, je n'avais rien prévu d'autres pour la distraire.
- Malheureusement oui. Bella, tu me promets que si je te fais le moindre mal...
- Arrête Edward, me coupa-t-elle en posant un doigt sur mes lèvres. Tout se passera parfaitement bien, rajouta-t-elle en se serrant contre moi.
- Tu es tellement douce et fragile, lui murmurais-je en l’enlaçant également.
- Tous les deux, nous ne sommes qu'un. Je t'aime.
Tout en l'embrassant, je la pris dans mes bras pour me diriger vers la mer. Je souhaitais qu'elle soit à l'aise et la chambre blanche était l'endroit idéal pour cela. Le trajet du retour fût beaucoup plus rapide à effectuer que celui de l'aller. Une sorte de pulsion était née en moi après avoir entendu la voix de ma femme prononcer ces derniers mots. J'avais envie d'elle, j'avais besoin d'elle et autant profiter de ces sensations qui faisaient rage en moi temps qu'il en était encore temps. Nos pieds touchèrent alors le sol de la chambre qui devait nous abriter cette nuit et tout ce qui suivit cet instant fût un ensemble de sensations toutes les plus intenses et euphorisantes les unes que les autres.
*
***
J'ignorais si je pouvais me réjouir de ce qui venait de se passer. Bella, qui dormait paisiblement dans mes bras, arborait un sourire béat et les seules paroles qu'elle avait prononcés dans son sommeil n'avaient été que des mots d'amour à mon intention. Une partie de moi jubilait face à ce que je venais de vivre alors que l'autre, celle qui n'était pas égoïste et avait conscience que l'intérêt de Bella passait avant le sien, me haïssait. Ce côté de ma personnalité prenait le dessus sur l'autre et, pour mon équilibre mental, je ne pouvais qu'en être heureux. J'avais toujours eu conscience que, depuis ma transformation, j'étais un monstre ignoble et sans cœur. Cette nuit me confirmait ce dont j'avais toujours été convaincu. Comment avais-je pu abandonner les intérêts de ma femme à mon plaisir en oubliant de prendre garde à chacun des gestes que je faisais. En cédant, j'avais été faible et je ne méritais pas l'amour que Bella me portait. Je ne méritais pas non plus d'entendre les mots d'amour qu'elle me murmurait durant son sommeil et je me détestais d'éprouver cette joie en les écoutant. Je ne savais pas encore quelle allait être la réaction de Bella en se découvrant. Elle avait toutes les raisons du monde de m'en vouloir de l'avoir blessé de la sorte. Pourtant j'étais convaincu qu'elle allait me pardonner, comme son sommeil sans cauchemar me le faisait croire. Néanmoins, je ne voulais pas de ce pardon facile. Je voulais mériter celui-ci et mériter de nouveau sa confiance. Après tout, j'avais failli la mordre ce qui, à mon humble avis, n'était pas quelque chose de pardonnable. De plus, l'indulgence qu'allait probablement m'offrir Bella allait réveiller la part égoïste de ma personnalité. Je ne voulais pas que celle-ci vive en moi mais comment la faire taire si toutes les actions ignobles que je réalisais se soldaient par un pardon ferme et définitif.
Mes doigts parcouraient la colonne vertébrale de Bella mais mes yeux ne pouvaient se poser sur son corps blessé. Sa respiration devenait de moins en moins profonde et de plus en plus hachée ce qui signifiait que son réveil n'allait pas tarder. Ma souffrance était donc loin d'être terminée et, après ce que je lui avais fait subir, je ne pouvais me souhaiter autre chose.
Enfin sortit de ses rêves, Bella serra son corps contre le mien et passa doucement ses bras autour de mon cou si bien que nous étions encore plus proche l'un de l'autre. Je continuais de caresser sa peau si douce en attendant que la sentence tombe, qu'un signe physique m'indique qu'elle souffrait. J'étais concentré sur sa respiration qui aurait forcément un raté si la douleur lancinante qu'elle devait subir arrivait. Pourtant, se fût son rire qui brisa le calme ambiant et me prit de court. J'ignorais la cause de son hilarité et j'eus une fraction de seconde peur pour sa santé mentale.
- Qu'y a-t-il de si drôle ? lui demandais-je.
Son estomac répondit à mon interrogation et un gargouillement sonore m'indiqua qu'elle avait faim. Cela semblait logique au regard de l'heure tardive à laquelle Bella venait de se réveiller et de son refus de se nourrir la veille.
- On n'échappe pas longtemps à sa condition d'humain.
Son rire argentin raisonnait dans la pièce et, même si je ne pouvais m'empêcher d'apprécier la résonnance de ce son, je n'avais pas le cœur à m'en délecter. Elle cessa brusquement de rire, sentant peut-être la rigidité de ma position et la morosité de mon humeur. Je sentis ses cheveux chatouiller mon torse alors qu'elle s'agitait. Fixant la toile du lit à baldaquin qui avait abrité notre nuit, je ne pouvais voir l'expression de son visage. Elle s'était désormais complètement redressée et, par l'immobilité soudaine de son corps, je déduisis qu'elle me regardait et avait découvert le malaise qui m'habitait. J'espérais qu'elle lirait la culpabilité sur mon visage même si je souhaitais également que mon repenti ne diminue en rien les remontrances qu'elle pourrait me faire.
- Edward, souffla-t-elle, la voix cassée probablement à cause de la douleur qu'elle ressentait, que se passe-t-il ?
Je mettais attendu à une fin de phrase quelque peu différente telle que " pourquoi m'as-tu fais cela ? " ou encore " mais qu'est ce qu'il t'a pris ? ". Cependant, l'interrogation qu'elle venait de prononcer me désarçonnait totalement et me mettait en colère. Comment pouvait-elle me demander cela ? Comment pouvait-elle faire pour laisser croire que rien ne s'était passé ?
- Parce que tu as besoin de poser la question ?
Ma voix avait été forte, brusque. J'avais rarement employé ce ton en m'adressant à elle et je savais que j'avais tord de lui parler de la sorte. Posant pour la première fois depuis son réveil mes yeux sur elle, je vis que Bella était plongée dans une réflexion profonde. Elle semblait également... triste ? J’étais sans nul doute la cause de cette tristesse et une boule se forma dans mon ventre en constatant cela. Des rides étaient apparues, une fois de plus, sur son front pale et j'avais besoin de savoir où ses réflexions la menaient.
- A quoi songes-tu ? soufflais-je, le timbre aussi calme et doux que j'en étais capable à cet instant.
- Tu es bouleversé. Je ne comprends pas. Ai-je...
Elle n'acheva pas sa phrase et celle-ci ne m'aidait pas à savoir ce qu'elle ressentait exactement. Je me décida donc à poser la question fatidique, bien que la réponse me terrifiait :
- As-tu très mal Bella ? Et épargne-moi les mensonges, je t'en prie.
Ses sourcils se froncèrent et l'incompréhension défigura ses traits.
- Mal ?
Je pris une profonde inspiration alors qu'elle pliait doucement ses bras, ses jambes, bougea ses épaules dans le but de comprendre pourquoi je lui avais posé une telle question. Une fois cette analyse effectuée, elle me fixa de nouveau et, dans ses prunelles, la tristesse semblait avoir laissé place à l'énervement et à la colère.
- Pourquoi sautes-tu à la conclusion que j'ai mal quelque part ? Je ne me suis jamais sentie aussi bien que maintenant.
- Arrête ! criais-je presque.
- Mais arrêter quoi ?
- De te comporter comme si je n'étais pas le monstre qui a accepté de t'infliger cela.
- Edward ! Ne redis jamais ça ! murmura-t-elle, sa douce voix chatouillant mes oreilles.
Je ne pouvais en supporter d'avantage. Comme je m'y étais attendu, Bella ne semblait pas m'en vouloir pour toutes les blessures que je lui avais infligées. Ce que je n'avais pas prévu, en revanche, était son refus catégorique d'accepter la vérité. Bella ne voulait pas admettre, malgré mes derniers actes, que j'étais un monstre indigne d'elle. Je ne parvenais plus à regarder les blessures qui ornaient son corps et défiguraient son visage. Par conséquent, je ferma les yeux.
- Regarde-toi Bella. Ensuite, ose me dire que je ne suis pas un monstre.
Je ne voyais pas ce qu'elle était en train de faire mais je la sentais s'agiter doucement à mes côtés.
- Pourquoi suis-je couverte de plumes ?
L'exaspération m'envahit face à son incompréhension en même temps qu'une vague de culpabilité déferla dans mon corps. Je revoyais la scène de la nuit. La femme que j'aimais été serrée contre moi et j'étais incapable de me retenir. Son odeur envahissait la pièce et embaumait l'air qui m'entourait. Comme la première fois où cette senteur avait pénétré mes narines, j'avais eu besoin de m'abreuver de son sang comme si cela était nécessaire à ma survie. A cet instant, je n'étais plus réellement conscient de mes actes et je m'approchais dangereusement des veines si appétissantes de son corps. Juste avant que je ne commette l'irréparable, Bella, dans un demi-souffle, me murmura qu'elle m'aimait. En une fraction de seconde, je me souvins de ce qui se passait et de la personne avec laquelle je me trouvais. Je ne pouvais tuer celle-ci car elle était la personne la plus importante de ma vie, celle sans qui je n'étais plus rien. Je bloquais alors ma respiration mais ne pus m'arrêter dans mon élan et mes dents acérées se plantèrent dans l'édredon qui se situait juste à côté de la tête de ma Bella.
La question que celle-ci venait de me poser me montrait qu'elle ne s'était aperçue de rien, trop occupée par ce que nous étions en train de vivre. Je n'avais pas envie de revenir immédiatement sur cet épisode de notre nuit. Je préférais qu'elle voit le résultat désastreux de celle-ci :
- J'ai mordu un oreiller. Ou deux. Mais je ne parle pas de cela.
- Tu... as mordu un oreiller ? Pourquoi donc ?
Elle continuait de s'attarder sur ce détail alors que l'évidence lui sautait aux yeux. Je pris son bras entre mes doigts et souleva celui-ci afin qu'elle puisse apercevoir les contusions qui l'ornait.
- Regarde, Bella ! Regarde !
Une expression de stupéfaction perça sur son visage et elle commença à analyser les bleus qui avaient pris place sur son corps. Elle posa ses doigts sur ces blessures. J'ignorais dans quel but mais je savais que cela ne pouvait être que douloureux. Un peu de glace apaiserait sans aucun doute ses élancements et je fis glisser mes doigts le long de son bras.
- Oh ! dit-elle dans un souffle.
Ses yeux étaient fixés sur ses plaies. Elle semblait réfléchir, sans doute aux raisons qui m'avaient poussé à la blesser.
- Je... je suis tellement désolé, Bella. J'aurais dû m'en douter. Je n'aurais pas... Je suis si navré que je n'ai pas les mots pour l'exprimer.
Je n'avais jamais ressenti une telle culpabilité. Même au moment où j'avais décidé de quitter Bella et que, à mon retour, j'avais appris à quel point elle avait souffert. A cette époque, la culpabilité m'avait rongé mais je savais que j'avais pris cette décision pour de bonnes raisons, pour protéger Bella. A l'inverse, les actes que j'avais commis cette nuit ne pouvaient être justifiés. Je posa mon bras sur mes yeux dans le but de ne plus voir l'expression choquée de Bella et, d'une certaine façon, pour tenter de ne plus voir la réalité. Pendant de longues secondes, elle resta là sans bouger probablement pour assimiler le fait que son mari, l'être en qui elle devait avoir le plus confiance, n'avait pas été capable de la protéger et l'avait même blessé. Je sentis alors un contact chaud effleurer mon bras. Cette chaleur venait des doigts de Bella et celle-ci tentait de m'enlever le bras de devant les yeux. Mais cela m'était impossible. Si j'en avais encore été capable, des larmes seraient montées dans mes yeux à cet instant.
- Edward, souffla-t-elle tendrement.
Je savais ce qu'elle allait faire, j'avais conscience que lorsque Bella employait ce ton, c'est qu'elle tentait de me consoler, de m'apaiser. Pourtant, j'avais vu sa stupéfaction à la découverte de ses bleus alors qu'elle se demandait comment j'avais pu lui infliger cela. Comment pouvait-elle désormais tenter d'apaiser ma conscience ?
- Edward ? reprit-elle. Moi, je ne suis pas désolée, Edward. Je suis... je n'arrive même pas à le formuler. Je suis tellement comblée ! Et encore, le mot est faible. Ne sois pas fâché. Vraiment. Franchement, je vais...
J'avais donc visé juste. Une fois de plus, l'être adorable qui était à mes côtés faisait passer mes intérêts avant les siens. J'étais incapable d'en supporter d'avantage. J'aurais préféré qu'elle pleure, qu'elle crie, qu'elle m'en veuille. Tout autre réaction était la bienvenue mais pas celle-ci.
- Stop ! Je ne veux pas entendre que tu vas bien. Si tu tiens à ma raison, ne me redis pas ça.
- Mais c'est vrai !
- Je t'en supplie Bella.
J'espérais qu'elle prendrait ma supplique en considération et qu'elle arrêterait son discours apaisant. Comme je m'y attendais, elle n'en fit rien.
- Non, Edward. Moi, je t'en supplie.
Un trémolo était apparut dans sa voix. Sa main était toujours posée sur mon bras, comme si elle espérait que ce contact me ferait changer d'avis. Je lui fis de nouveau face afin de voir l'expression cause de ce raté dans sa voix.
- Ne me gâche pas ça. Je. Suis. Heureuse.
- J'ai déjà tout gâché.
- Tais-toi ! cria-t-elle. Bon dieu ! Pourquoi ne peux-tu pas lire dans mon esprit ? Ce mutisme mental est un sacré inconvénient !
Mes yeux s'écarquillèrent devant cette révélation. C'était bien la première fois que Bella souhaitait une telle chose.
- C'est nouveau, ça. Tu adores que je ne sois pas en mesure de deviner tes pensées.
- Pas aujourd'hui.
- Pourquoi ?
Cette fois, c'est elle qui semblait exaspérée par mon incompréhension. Il est vrai que c'était la première fois depuis notre rencontre que je ne la comprenais pas rien qu'en la regardant. Elle récupéra sa main qui avait glissé sur mon avant bras et la posa sur mon torse gelé. Le contact de sa peau me rappela des souvenirs nocturnes auxquels je m'interdisais de penser avec plaisir.
- Parce que ton angoisse serait inutile si tu pouvais voir ce que j'éprouve en ce moment. Enfin, il y a cinq minutes. J'étais parfaitement comblée, au nirvana. A présent je suis... furax, en fait.
Enfin une parole censée.
- Tu as raison d'être en colère après moi.
- Je le suis, tu es content ?
- Non. Je crois que rien ne pourra me satisfaire, aujourd'hui.
- Voilà qui me rend furieuse. Tu me gâtes mon plaisir, Edward !
Tout cela était réellement absurde. Quel plaisir pouvait-elle éprouver en cet instant ? Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix s'était apaisée :
- Nous savions que cela serait risqué. Je croyais que c'était entendu. Par ailleurs... eh bien, ç'a été bien plus facile que ce que je prévoyais. Et ces bleus sont des broutilles. A mon avis, pour une première, nous nous sommes débrouillés comme des chefs, alors que nous allions vers l'inconnu. Avec un peu d'entrainement...
Mes yeux, qui étaient de nouveau posés sur le sommet du baldaquin se tournèrent brusquement vers Bella. Elle remarqua ce mouvement et cessa de parler. Pourtant, je savais que ma réaction était justifiée. Il était clairement impossible que nous retentions l'expérience et j'avais eu la naïveté de croire que, même si elle me pardonnait pour la nuit dernière, Bella ne voudrait plus être blessée de la sorte. J'avais encore tout faux.
- Franchement, Bella, tu avais deviné cela ? Que je te ferais du mal ? Avais-tu envisagé pire ? Considères-tu la chose comme un succès parce que tu es encore capable de marcher ? Pas d'os brisés, donc c'est une victoire ?
- J'ignorais à quoi m'attendre. La seule chose certaine, c'est que je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi merveilleux, parfait. Enfin, je ne sais pas comment ç'a été pour toi, mais moi, j'ai trouvé ça génial.
Elle avait baissé les yeux en me posant cette question indirecte. Il était impossible qu'une autre humaine sur cette terre soit assez altruiste pour penser à mon plaisir avant ses douleurs. Mon doigt se posa sous son menton mais elle refusa de relever les yeux.
- Tu t'inquiètes donc de cela ? De mon absence de plaisir ?
- J'ai conscience que ce n'est pas pareil, me répondit-elle, les yeux toujours fixés sur mon torse. Tu n'es pas humain. J'essayais juste de t'expliquer que, en tant qu'humaine, je n'imagine rien d'aussi bon.
Bella était tellement humaine. Comme tous les autres humains, elle avait besoin d'être constamment rassurée, même si elle ne s'en rendait pas toujours compte. Néanmoins, je n'avais pas imaginé qu'elle ait eu besoin d'être rassurée sur cela. Ma bouche se fendit d'un demi-sourire tandis qu'elle releva la tête pour plonger son regard dans le mien.
- J'ai l'impression que j'ai d'autres excuses à te présenter. Je n'aurais pas osé imaginer que tu puisses interpréter mon bouleversement après ce que je t'ai infligé hier comme... eh bien, comme si ça n'avait pas été la meilleure nuit de ma vie. Mais je m'interdis de l'envisager ainsi, pas quand tu...
- C'est vrai ? me coupa-t-elle. La meilleure ?
Ses yeux s'étaient soudainement éclairés et sa voix était beaucoup plus enjouée, comme à l'accoutumé. Si le reste de la situation n'avait pas été aussi tragique, j'aurais éclaté de rire face à ce changement brutal d'expression. Comme cela semblait important pour elle, je me devais, en ma qualité de mari, de la rassurer sur ce point.
- Après que toi et moi avons conclu notre accord, j'ai discuté avec Carlisle dans l'espoir qu'il saurait m'aider. Naturellement, il m'a prévenu que cela risquait d'être très dangereux pour toi. Mais il a eu foi en moi... une foi imméritée.
Sa bouche s'entrouvrit immédiatement. Je savais ce qu'elle allait dire, qu'elle allait une fois de plus nier cette évidence mais autant ne pas perdre de temps avec ces billevesées. Mon doigt se posa délicatement sur ses lèvres et elle referma la bouche, renonçant à prononcer le moindre mot.
- Je lui ai également demandé ce que j'allais éprouver... parce que je suis un vampire. Il m'a répondu que c'était une sensation très puissante, qui ne ressemblait à rien. Pour lui, l'amour physique n'est pas une chose à prendre à la légère. Vu nos tempéraments changeants, les émotions violentes peuvent nous altérer de façon permanente. Il m'a cependant conseillé de ne pas m'inquiéter de cela, que tu m'avais déjà complètement transformé.
Je ne pus m'empêcher de sourire en évoquant ce souvenir et, comme s'il déteignait sur le visage de Bella, ses lèvres se fendirent également. Elle semblait plus calme désormais, comme soulagée d'un poids.
- J'ai aussi parlé à mes frères. Ils ont évoqué un intense plaisir. En deuxième position après celui que procure le sang humain. Mais j'ai déjà goûté le tien, et aucun sang n'est aussi puissant que ça... Je ne crois pas que Jasper et Emmett se trompent. Juste que, pour nous, ç'a été différent. Plus fort.
- Oui, ç'a été plus fort. C'a été nous.
Elle avait raison, bien évidemment. Je ressentais la même chose qu'elle mais je ne pouvais ignorer le mauvais traitement que je lui avais fais subir.
- Cela n'enlève rien à mes torts. Même si ce que tu affirmes est vrai.
- Comment ça ? Tu crois que j'invente ? Pourquoi ferais-je un truc pareil ?
- Pour alléger ma conscience. Je ne peux pas ignorer l'évidence, Bella. Ni ta mauvaise habitude de vouloir m'innocenter quand je commets des erreurs.
Elle prit mon visage entre ses mains si bien que nos nez se touchaient presque. Dans cette position, j'avais l'impression qu'elle tentait de se faire obéir d'un enfant capricieux ou qu'elle voulait m'hypnotiser afin de faire rentrer cette information dans ma tête.
- Ecoute-moi, Edward Cullen. Je ne te raconte pas d'histoires pour que tu te sentes mieux, pigé ? Je ne savais même pas qu'il fallait te rassurer avant de comprendre que tu étais mal. Je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie, même le jour où tu as décidé que tu m'aimais trop pour me tuer, même le matin où je me suis réveillée pour découvrir que tu m'attendais... même lorsque j'ai entendu ta voix dans le studio de danse (je détestais réellement l'entendre évoquer ce souvenir. N'en avait-elle aucun autre à me soumettre ?) ni quand tu as dit "oui" et que j'ai compris que tu étais mien pour toujours. Voilà les moments les plus heureux de mon existence, or la nuit que nous venons de vivre est encore mieux. Alors, fais avec et cesse de te torturer !
De nouvelles rides étaient apparues sur son front. Je ne voulais pas qu'elle soit contrariée de la sorte.
- Je te rends malheureuse, en ce moment. Je n'ai pas envie de te rendre malheureuse.
- Alors ne le soit pas toi-même. C'est le seul truc qui cloche, là.
Elle paraissait réellement triste en cet instant. Il est vrai que, maintenant qu'elle avait compris mon désarroi et qu'elle m'avait pardonnée - un peu trop facilement néanmoins - il était inutile de gâcher le reste de notre séjour à cause de cette expérience qui avait mal fini. En tout état de cause, il était impossible de revenir en arrière.
- Tu as raison. Le passé est le passé, je ne peux rien y changer. Inutile de laisser mon humeur gâcher la tienne. Je ferai tout ce que tu voudras pour que ton bonheur perdure.
Elle semblait surprise de me voir me pardonner si facilement. Je lui souris afin de lui prouver que, désormais, je passerais cet épisode sous silence.
- Tout ?
Je savais que cette question était lourde de sens. A cet instant, son ventre émit une contestation bruyante.
- Tu as faim, remarquais-je.
Pour le moment, je n'aurais pas à répondre à cette interrogation. Je savais que la réponse que je donnerais à Bella allait la contrarier. J'allais désormais m'afférer à lui faire passer un séjour unique et magnifique en m'abstenant toutefois de poser un peu trop longtemps mes mains brutales sur son corps si fragile.
Nous venions de fouler pour la première fois le sol de l'endroit qui allait abriter les souvenirs les plus merveilleux et intenses que je n'ai vécu en près de cent années d'existence. Je ne parvenais pas encore à assimiler ce qui venait de se dérouler ces dernières heures. A peine quelques jours plus tôt, je me trouvais dans le lit de ma bien aimée et voilà que je pouvais désormais dire que celle-ci était ma femme, Madame Cullen. S'il m'avait encore été donné la possibilité de dormir et par conséquent de rêver, j'aurais été capable de dire que tout ce que je venais de vivre n'avait été qu'un songe tant le bonheur qui m'envahissait en cet instant semblait irréel. Je devais avouer que ma condition de vampire n'était pas une chose qui me ravissait et j'aurais donné tout ce que je possédais pour pouvoir, un jour, redevenir un être humain ordinaire et mortel. Cependant, j'avais assez de recul désormais pour comprendre que l'ensemble des événements pénibles que j'avais vécu depuis ma transformation m'avaient conduit à cet instant, dans cette maison avec cette femme, ma femme, et je ne pouvais qu'être heureux de les avoir vécu.
Sortant de mes pensées, je posais tendrement les yeux sur Bella. Elle ne cessait de jeter des coups d'œil sur les choses qui l'entouraient et semblait ravie de ce qu'elle découvrait. Je fus heureux de la voir si comblée en cet instant. Une ombre s'inscrivait pourtant devant ce parfait tableau: j'avais fait à Bella une promesse que je me devais de tenir. J'avais juré qu'après l'avoir épousé et avant de la transformer, je tenterais d'avoir des relations avec elle. Je rejetais l'idée de lui faire le moindre mal et j'avais conscience - plus qu'elle d'ailleurs - que j'étais susceptible de la blesser... ou pire. Je ne voulais pas qu'un drame vienne troubler notre bonheur idyllique mais je devais admettre que moi aussi, au fond de mon être, j'avais envie de vivre cela. J'avais tenté de me persuader que j'étais en mesure de contrôler mes pulsions et je savais que je ne cesserai pas un seul instant de me concentrer sur mon objectif qui était de la combler sans lui faire le moindre mal. Cependant, une part de moi me soufflait que j'avais inventé ces arguments dans l'unique but de satisfaire, une fois de plus, mon égoïsme. Je me résolu toutefois à prendre les choses en main. Après avoir inutilement inspiré une goulée d'air sans que Bella ne s'en rende compte, je pris la parole :
- Je me demandais, si... d'abord... tu aimerais partager un bain de minuit avec moi ?
Mon timbre avait été hésitant et mes muscles se crispèrent lorsque mon cerveau assimila ce qui allait réellement se produire quand cette fille, qui était désormais mienne, allait me rejoindre dans l'eau chaude de la mer qui nous entourait. Une deuxième inspiration, plus profonde cette fois, me fût nécessaire pour reprendre mes esprits. Je ne voulais pas que Bella s'alarme en voyant mon expression et il était de mon devoir d'époux de la rassurer.
- L'eau sera bonne. La plage est de celles que tu apprécies.
En plongeant son regard dans le mien, elle semblait déterminée et ne paraissait pas craindre les événements qui allaient survenir. Pourtant, son cœur s'emballa très légèrement, trop légèrement pour que son corps d'humaine le ressente, et sa voix tremblait délicatement lorsqu'elle me répondit.
- C’à l'air sympa.
-Tu as sans doute envie de quelques minutes humaines... le voyage a été long.
Elle accepta ma proposition d'un timbre inquiet - peut être prenait-elle enfin conscience des événements dangereux qui allaient suivre si elle s'obstinait dans la résolution qu'elle avait prise. Avant de sortir de cette pièce pour laisser ma Bella un peu seule, je ne pus m'empêcher de l'embrasser, la toucher, la sentir délicatement. Je déposais un délicat baiser dans le creux de son cou, juste sous le lobe de son oreille. Son cœur réagit aussitôt à ce contact et se mit à battre la chamade. J'aimais énormément la sensation que créaient mes baisers sur elle et j'appréciais le fait que même après notre union, elle restait sensible à mes caresses. Je ne pus m'empêcher de rire en sentant son corps réagir à mon contact - Bella resterait toujours beaucoup trop sensible mais cela m'enchantait. Il fallait pourtant qu'elle se rende compte du lien nouveau qui nous unissait.
- Ne soyez pas trop longue, madame Cullen.
Elle réagit immédiatement en entendant ce nouveau nom - décidemment, les réactions de Bella ne me décevraient jamais... Un sourire se dessina sur mes lèvres tandis que celles-ci glissaient doucement vers les épaules de mon épouse mais je me devais d'interrompre ce moment afin de laisser à Bella un peu de temps avec elle-même.
- Je t'attends dans l'eau.
Je me hâtais de sortir de cette chambre pour permettre à Bella de vaquer à ses occupations humaines sans qu'elle ne sente le poids de ma présence autour d'elle. Avant d'ouvrir à la volée la grande baie vitrée qui donnait sur la plage de l'île d'Esmé, je retirais ma chemise. Je souhaitais que Bella comprenne clairement que je n'allais pas me dérober ce soir, même si elle m'avait déjà vu torse nu à de nombreuses reprises. Mes pas foulèrent rapidement le sable immaculé tandis que je m'afférais à enlever le reste de ma tenue. Bien que l'air chaud qui frappa ma peau n'eut aucun effet sur ma personne, je souris tendrement en imaginant Bella mettre le nez dehors : elle aimait la chaleur par dessus tout et je voyais déjà ses yeux se clorent au contact de cette atmosphère qui lui procurerait un bien être soudain. Après avoir jeté les vêtements qui m'encombraient les mains, je plongeais mon corps dans l'eau de cette mer. Cette dernière était chaude et empêcherait que Bella ne frissonne à mon contact - autant ne pas rendre cet instant encore plus inconfortable...
Une fois mon corps entièrement plongé dans l'eau, il me fallait me concentrer sur les événements qui allaient suivre. Je fermais mes yeux afin de repenser aux paroles de mes frères et de Carlisle lorsque je leur avais posé des questions sur ce sujet. Bien évidemment, ils avaient tous tenté de me rassurer. Carlisle, en parfait père qu'il était, m'avait de nouveau affirmé toute sa confiance, confiance dont je me devais d'être digne. " Tu as toujours fait preuve d'une maîtrise impressionnante depuis que tu fréquentes Bella. Je sais que tu parviendras à te contrôler " m'avait-il affirmé. Jasper avait quant à lui soutenu que cette expérience était magique, intense même si j'avais conscience des réserves qu'il n'avait pas exprimé à haute voix. J'avais entendu les réflexions de son esprit à cet instant : " Son sang va affluer dans toutes les parties de son corps. Celui-ci va se réchauffer et devenir encore plus appétissant à mesure que son odeur va devenir irrésistible. Et, à ce moment là, il sera très difficile de se contrôler ". J'avais alors cessé de l'écouter. J'avais conscience que tout cela était vrai et, par conséquent, il n'était pas nécessaire de me perturber d'avantage en soulignant ces détails. J'avais fait une promesse à la femme que j'aimais, je me devais de respecter mon engagement et - bien que cette pensée soit révélatrice de mon égoïsme - j'avais également très envie de vivre cet instant avec elle. J'avais par conséquent besoin que Jasper me rassure et non qu'il me déroute d'avantage. Quant à Emmett, il m'avait énoncé quelques blagues vulgaires dont lui seul avait le secret avant de m'assurer de sa confiance... et de me taper l'épaule en disant " Tu vas enfin tirer ton coup mon vieux. Déstresse! ".
Et Jacob... Sa réaction m'avait beaucoup plus déboussolé que je ne l'avais laissé paraître. Lorsque Bella lui avait annoncé que nous allions partager une vraie lune de miel, elle et moi, il m'avait menacé de mort et s'était tellement énervé qu'il n'avait pas pu résister et s'était transformé en loup. J'avais conscience que Jacob n'était pas l'être le plus impartial que je puisse trouver mais je ne cessais de lui trouver des excuses pour justifier son attitude. Il aimait Bella, cela était indiscutable, et il ne souhaitait que son bonheur. Il avait également peur pour elle, peur que je ne la blesse, que je ne la tue... et il avait raison. Au moment où Alice m'avait enlevé Bella dans le but de lui faire enfiler - plus ou moins de force selon la résistance de mon amoureuse – sa tenue de voyage, j'avais pu échanger quelques mots avec Carlisle à propos de cet incident. " Cesse de te tourmenter Edward. Vous avez déjà vécu tant de moments intimes qui semblaient dangereux pour un œil externe sans qu'aucun désagrément n'ait lieu. Pense à cela et aie confiance en toi. Aie confiance en vous ".
J'émergeais alors de l'eau tiède de cette mer. Celle-ci m'arrivait désormais jusqu'à la taille et, en rouvrant mes paupières, je me perdis dans la contemplation de la lune. Il me semblait que ce décor était favorable à ma réflexion. Il est vrai que ma relation avec Bella n'avait pas toujours était facile. Elle n'avait d'ailleurs jamais été facile. Elle avait nécessité que je fasse preuve d'une maitrise complète de ma personne puisqu'elle, fragile et tendre humaine, en semblait incapable. Je me souvins de la première fois où j'avais passé la nuit à la regarder dormir. Cela avait été difficile pour moi de résister à son odeur, de résister à l'envie de la toucher, de la prendre dans mes bras, mais cela était également surmontable... La première fois que j'avais osé poser mes lèvres froides sur les siennes - difficile mais surmontable. La première fois que j'avais passée la nuit dans son lit à la regarder dormir, sa tête posée sur mon torse - difficile mais surmontable. J'étais parvenu à franchir graduellement toutes les étapes de notre relation et aujourd'hui allait être l'apogée de celle-ci. Cela allait être difficile, j'en étais conscient... et peut être insurmontable. Pourtant, lorsque j'y songeais, la seule chose qui avait été difficile à faire et que je n'étais pas parvenu à mener à bien avait été de la quitter. Cette nuit n'avait rien de comparable mais serais-je encore moi-même lors de ce moment si important et intense ? Je perçus alors le bruit de son pied qui entrait dans l'eau. Cela eut l'avantage de me faire sortir de mes sombres pensées. Mes pupilles se reconcentrèrent sur la lune et je m'aperçus que la place de celle-ci avait évolué. Bella avait dû passer un long moment à se préparer mais, perdu dans mes idées, je ne m'en étais guère rendu compte. Jusqu'à présent, au lieu de me détendre, je n'étais parvenu qu'à me faire douter de moi-même. Elle arriva à ma hauteur et, en voyant sa peau blanche si près de la mienne, je compris que je ne pourrais jamais douter de l'amour inconditionnel que je portais à cette frêle jeune fille et cet amour avait le pouvoir de vaincre tous les obstacles qui se dresseraient sur son chemin.
- Magnifique ! murmura-t-elle.
- Pas mal, répondis-je.
Je changeais ma position afin de lui faire face et de pouvoir enfin plonger mon regard dans le chocolat fondu de ses yeux. Elle ne bougea pas en me voyant me déplacer mais un timide sourire apparut sur ses lèvres lorsque mes doigts se mêlèrent aux siens sur la surface de l'eau.
- Je n'emploierais pas le mot magnifique. Pas quant tu es là, à soutenir la comparaison.
Elle sourit en m'entendant prononcer ces mots et, au fond de moi, j'étais persuadée qu'elle pensait que je n'étais pas totalement sincère et que je ne pouvais qu'être ébahit devant le paysage qui s'offrait à moi. Pourtant, elle se trompait lourdement. Rien au monde n'était plus beau à mes yeux que ce sourire, ces pommettes roses et cette silhouette filiforme. Doucement, elle sortit sa main de l'eau et la posa sur mon torse, à l'endroit même où mon cœur mort se situait. Ma respiration se modifia et un tremblement parcouru mon échine. Ce contact réveilla une envie en moi que j'avais tenté de refouler de peur de blesser la femme que j'aimais.
- J'ai promis d'essayer. Si... si je fais quelque chose de mal, si je te blesse, tu dois aussitôt m'avertir.
Elle acquiesça sans tenter, pour une fois, de me contredire en prononçant certaines phrases réconfortantes telles que " J'ai confiance en toi " ou " Tout se passera bien ". Elle rapprocha nos corps nus et appuya sa tête contre ma poitrine. Le moment était parfait et la terre aurait pu cesser de tourner, je ne m'en serais guère aperçu. Néanmoins, l'échéance se rapprochait et brisait la magie du moment.
- N'aie pas peur, me souffla-t-elle, nous sommes faits l'un pour l'autre.
Cette phrase, destinée à me tranquilliser, était inédite. Je ne sais si c'est cette nouveauté ou simplement le fait que ces mots semblaient plus qu'évident mais la peur en moi diminua. Je savais désormais que j'étais incapable de faire le moindre mal à cet être car elle était plus que mon épouse : elle était ma moitié, une part de moi dont je ne pourrais jamais me séparer. Mes bras se refermèrent autour de ses hanches, sur sa peau si douce.
- A jamais, lui promis-je.
Je la força alors tendrement à éloigner son corps du mien et, après quelques secondes, mes lèvres se posèrent tendrement sur sa bouche. Elle répondit doucement à mon baiser : aucun de nous ne voulait précipiter les choses. Sa main libre fourragea dans mes cheveux tandis que la mienne caressait doucement sa colonne vertébrale. De mon autre main, mon pouce faisait des allers-retours sur le dos de sa main. Notre baiser dura quelques secondes pendant lesquelles le temps sembla s'être arrêté. Soudain, sa respiration se heurta et son rythme cardiaque s'accéléra. Sa main se fit plus violente alors qu'elle saisissait mon visage. Le moment n'était pas encore venu et je devais le lui faire comprendre sans l'attrister. Doucement, je mis fin à notre étreinte. Elle me lança un regard interrogatif et je ne pus m'empêcher de rire.
- Patiente encore un peu ma Bella. J'ai prévu quelque chose avant de...
Elle profita de cet instant de silence pour exprimer son mécontentement.
- Tu sais que je déteste les surprises Edward.
Elle paraissait vraiment en colère mais ses traits se détendirent lorsqu'elle me vit sourire en réponse à son énervement. Elle n'avait décidemment pas changé. Déjà au début de notre rencontre, ses crises de colère déclenchaient mon hilarité. Je la comparais alors à un chaton sans défense et inoffensif qui se révoltaient. Son énervement paraissait tout aussi insignifiant aujourd'hui.
- Ca ne durera pas très longtemps chérie. Nous devons juste nous rendre sur l'île voisine. Elle se situe à un peu plus d'un kilomètre au nord. La vois-tu ?
- Euh... Non, je suis navrée.
Ses yeux d'humaine n'étaient vraiment pas très performants mais j'avais conscience que l'obscurité ne rendait pas la chose aisée.
- Je suppose que tu es trop fatiguée pour nager, repris-je. Grimpe sur mon dos et ferme les yeux, nous serons là-bas en un clin d'œil.
Elle ne semblait pas très rassurée et j'étais convaincu que le souvenir de sa première balade dans la forêt sur mon dos n'était pas sans lien avec sa réaction. Elle n'avait jamais nagé avec moi mais, même si ma vitesse était supérieure à celle d'un humain, je nageais moins vite que je ne courais. Bella ne serait donc pas malade et aucune nausée ne viendrait troubler notre première nuit. Un signe de tête encourageant et un de mes sourires suffirent à la convaincre. Elle s'accrocha à mon cou et passa ses jambes autour de la taille. Le contact de sa peau sur la mienne me fit frissonner mais je ne m'attardais pas sur cette sensation.
Le chemin pour se rendre sur notre lieu de destination ne dura que quelques secondes et une fois posée par terre, Bella ne semblait pas souffrante. Elle tourna le dos à la mer dans le but de regarder la surprise que je lui avais préparé et qui était la cause de notre présence ici. Une tonnelle de grande taille en toile avait été mise en place. Une allée en bougies et en pétales de roses permettaient de se rendre jusqu'à celle-ci. Au centre de cet abri, une table avait été dressée pour Bella et les quelques accessoires dont j'avais besoin ce soir étaient présents. L'équipe de nettoyage avait respecté mes demandes et avait été, qui plus est, très ponctuel pour l'allumage des bougies et la mise en place du repas. Cet endroit me plaisait particulièrement mais je ne savais pas s'il en était de même pour Bella. Je ne parvenais pas à déchiffrer sa réaction puisqu'elle était toujours dos à moi.
- Je suis désolé, il ne s'agit pas d'une surprise spectaculaire, m'excusais-je tout en lui passant un peignoir en soie, plus par pudeur et confort que par réelle nécessité. Je voulais que l'on passe quelques minutes ensemble après notre arrivée.
- Tu plaisantes j'espère. Cet endroit est... magique.
Elle arborait un sourire éblouissant et dans ses yeux brillaient mille étoiles. Je fus soulagée de constater que ce petit changement dans son programme ne l'avait pas affecté outre mesure.
- Par contre, si tu m'as conduite ici pour me faire manger, reprit-elle en désignant la table, saches que je n'ai pas faim.
- Il y a tout ce que tu aimes ici. Rien de chaud bien sûr vu la température extérieure. Tu devrais te nourrir un peu Bella. A part ce que tu as grignoté dans l'avion, tu n'as rien avalé depuis la cérémonie. Tu vas être affamée demain matin.
Elle avait écouté mes arguments sans me contredire mais je voyais à ses traits qu'elle n'avalerait rien de ce que je lui offrirais ce soir. Qu'est ce que cette fille pouvait être butée lorsqu'elle le voulait.
- Autant passer immédiatement à la suite du programme alors... Je veux dire, repris-je en comprenant le double sens de mes paroles, à la suite du programme prévu sur cette île.
Si elle était déçue, elle n'en laissa rien paraître. Peut être se disait-elle, et à juste titre, que ses arguments n'y changeraient rien et qu'elle avait tout intérêt à me laisser rapidement mener à bien ce que j'avais prévu. Je la força doucement à s'installer sur la chaise préparée spécialement pour elle et elle fît ce que je lui demandais sans rechigner ou se plaindre. Pour ne pas la faire patienter plus que nécessaire, je m'afférais à préparer les derniers détails de ma surprise. Cela consistait en peu de chose : allumer la chaîne hi-fi à piles qui était présente et insérer à l'intérieure de celle-ci un compact disc. En une fraction de seconde, je me retrouvais assis aux pieds de Bella. La musique n'avait pas encore débutée et je pourrai à ma guise admirer l'expression de son visage lorsque celle-ci commencerait. Lorsque les premières notes jaillirent de l'appareil, les prunelles de mon amoureuse s'éclairèrent.
- C'est toi qui as composé ce morceau ?
Je hochais la tête et un radieux sourire apparut sur mes lèvres. Comme si nos corps étaient reliés, la bouche de Bella répondit immédiatement à ce signe et son visage se fendit en un sourire radieux. Tout en gardant cette expression ébahie, elle ferma lentement les yeux et se laissa bercer par le son de la musique. Pour ma part, je posa ma tête sur ses genoux et caressa ses mollets tout en réécoutant cet air que j'avais mis si peu de temps à composer. La première fois que je mettais décidé à composer une musique à Bella, j'avais été impressionnée par la rapidité avec laquelle j'avais réussi à l'écrire. Cet air été apparut dans ma tête, sans que je ne l'ai réellement voulu. Quand j'y réfléchissais, les musiques que je lui avais composées étaient à l'image de notre relation. Au début, cette dernière n'avait pas été évidente : l'amour que je portais à cette frêle humaine n'était en rien voulu, tout comme cette berceuse qui m'était apparue sans que je n'ai réellement cherché à l'écrire. De plus, mes doigts sur le piano avait été hésitants, cherchant plusieurs accords avant de trouver celui qui conviendrait parfaitement à l'esprit dans lequel je me trouvais. Notre amour avait été ainsi, au début, hésitant. J'ignorais jusqu'où je pouvais aller avec elle. Je m’interdisais de lui toucher la main... avant de voir que j'étais capable d'assouvir cette envie sans la blesser. Je me refusais à l'embrasser, jusqu'à ce que je cède à cette douce tentation. J'avançais à tâtons dans cette relation tout comme mes mains cherchant les notes adéquates sur les touches du piano.
Cette fois, les choses avaient été différentes. A l'instant même où j'avais eu l'idée de composer cette musique, celle-ci s'était imposée d'elle même à mon esprit, telle une évidence. Cette envie de faire naître un nouveau morceau m'était venue alors que je chantais une fois de plus sa berceuse à Bella. J'avais alors pensé que, pour notre première nuit différente à celle-ci, il serait nécessaire d'être plus imaginatif et inventif. Tout avait alors été très simple. La musique avait jaillit dans ma tête de façon parfaite et la retranscription sur le piano avait été des plus faciles.
- C'est magnifique, murmura-t-elle, les yeux toujours clos. Alors, c'est donc cela ?
- Quoi donc ?
- Notre nouvelle chanson ?
- En effet, cette chanson nous appartient mais je désirerai te demander une faveur... Contrairement à la berceuse, je souhaiterai que cet air reste entre nous, que nous ne le partagions avec personne.
- Je suis d'accord, bien entendu. J'ai tout de même le droit de conserver le CD j'espère.
- Non. C'est une musique spéciale voyage de noces. Le charme serait rompu si tu l'écoutais en dehors de cet endroit.
- Mais... Je vais l'oublier, plus tard, lorsque je ne serais plus humaine et que tout mon passé sera recouvert d'un voile.
- Ne t'inquiète pas, chérie. Si tu es sage, je te jouerai cette composition à chacun de nos anniversaires et à chaque fois que nous reviendrons sur cette île. Elle nous rappellera ainsi exclusivement les instants que nous aurons vécus ici.
Je releva ma tête de ses genoux et lui prit la main. Une chaleur émanait de celle-ci. Bella suivit mes mouvements et se leva. Nos visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre et, comme si nos esprits étaient reliés, Bella comprit mon intention et passa sa main autour de mon cou pour m'offrir une danse. J'avais la prétention de croire que j'étais le seul homme à avoir pu calmer l'aversion de Bella pour la danse. Certes, elle n'était pas - et ne serait jamais - capable de mener à bien une chorégraphie sophistiquée mais elle était désormais douée pour suivre mes pas et m'offrir un slow. Elle appuya sa tête contre mon torse et nous nous laissâmes bercer par le son de la musique qui était le seul bruit qui nous entourait à l'exception des remous des vagues dans l'océan. La musique se termina rapidement - trop rapidement pour moi qui souhaitais avant tout ne pas précipiter les choses ce soir. Elle releva alors la tête et se dressa sur la pointe des pieds afin de s'élever à ma hauteur. Elle posa de touts petits baisers sur mon menton, ma pommette et mes lèvres avant de me demander d'un air gentiment accusateur :
- C'est fini pour les surprises ?
A court d'imagination, je n'avais rien prévu d'autres pour la distraire.
- Malheureusement oui. Bella, tu me promets que si je te fais le moindre mal...
- Arrête Edward, me coupa-t-elle en posant un doigt sur mes lèvres. Tout se passera parfaitement bien, rajouta-t-elle en se serrant contre moi.
- Tu es tellement douce et fragile, lui murmurais-je en l’enlaçant également.
- Tous les deux, nous ne sommes qu'un. Je t'aime.
Tout en l'embrassant, je la pris dans mes bras pour me diriger vers la mer. Je souhaitais qu'elle soit à l'aise et la chambre blanche était l'endroit idéal pour cela. Le trajet du retour fût beaucoup plus rapide à effectuer que celui de l'aller. Une sorte de pulsion était née en moi après avoir entendu la voix de ma femme prononcer ces derniers mots. J'avais envie d'elle, j'avais besoin d'elle et autant profiter de ces sensations qui faisaient rage en moi temps qu'il en était encore temps. Nos pieds touchèrent alors le sol de la chambre qui devait nous abriter cette nuit et tout ce qui suivit cet instant fût un ensemble de sensations toutes les plus intenses et euphorisantes les unes que les autres.
*
***
J'ignorais si je pouvais me réjouir de ce qui venait de se passer. Bella, qui dormait paisiblement dans mes bras, arborait un sourire béat et les seules paroles qu'elle avait prononcés dans son sommeil n'avaient été que des mots d'amour à mon intention. Une partie de moi jubilait face à ce que je venais de vivre alors que l'autre, celle qui n'était pas égoïste et avait conscience que l'intérêt de Bella passait avant le sien, me haïssait. Ce côté de ma personnalité prenait le dessus sur l'autre et, pour mon équilibre mental, je ne pouvais qu'en être heureux. J'avais toujours eu conscience que, depuis ma transformation, j'étais un monstre ignoble et sans cœur. Cette nuit me confirmait ce dont j'avais toujours été convaincu. Comment avais-je pu abandonner les intérêts de ma femme à mon plaisir en oubliant de prendre garde à chacun des gestes que je faisais. En cédant, j'avais été faible et je ne méritais pas l'amour que Bella me portait. Je ne méritais pas non plus d'entendre les mots d'amour qu'elle me murmurait durant son sommeil et je me détestais d'éprouver cette joie en les écoutant. Je ne savais pas encore quelle allait être la réaction de Bella en se découvrant. Elle avait toutes les raisons du monde de m'en vouloir de l'avoir blessé de la sorte. Pourtant j'étais convaincu qu'elle allait me pardonner, comme son sommeil sans cauchemar me le faisait croire. Néanmoins, je ne voulais pas de ce pardon facile. Je voulais mériter celui-ci et mériter de nouveau sa confiance. Après tout, j'avais failli la mordre ce qui, à mon humble avis, n'était pas quelque chose de pardonnable. De plus, l'indulgence qu'allait probablement m'offrir Bella allait réveiller la part égoïste de ma personnalité. Je ne voulais pas que celle-ci vive en moi mais comment la faire taire si toutes les actions ignobles que je réalisais se soldaient par un pardon ferme et définitif.
Mes doigts parcouraient la colonne vertébrale de Bella mais mes yeux ne pouvaient se poser sur son corps blessé. Sa respiration devenait de moins en moins profonde et de plus en plus hachée ce qui signifiait que son réveil n'allait pas tarder. Ma souffrance était donc loin d'être terminée et, après ce que je lui avais fait subir, je ne pouvais me souhaiter autre chose.
Enfin sortit de ses rêves, Bella serra son corps contre le mien et passa doucement ses bras autour de mon cou si bien que nous étions encore plus proche l'un de l'autre. Je continuais de caresser sa peau si douce en attendant que la sentence tombe, qu'un signe physique m'indique qu'elle souffrait. J'étais concentré sur sa respiration qui aurait forcément un raté si la douleur lancinante qu'elle devait subir arrivait. Pourtant, se fût son rire qui brisa le calme ambiant et me prit de court. J'ignorais la cause de son hilarité et j'eus une fraction de seconde peur pour sa santé mentale.
- Qu'y a-t-il de si drôle ? lui demandais-je.
Son estomac répondit à mon interrogation et un gargouillement sonore m'indiqua qu'elle avait faim. Cela semblait logique au regard de l'heure tardive à laquelle Bella venait de se réveiller et de son refus de se nourrir la veille.
- On n'échappe pas longtemps à sa condition d'humain.
Son rire argentin raisonnait dans la pièce et, même si je ne pouvais m'empêcher d'apprécier la résonnance de ce son, je n'avais pas le cœur à m'en délecter. Elle cessa brusquement de rire, sentant peut-être la rigidité de ma position et la morosité de mon humeur. Je sentis ses cheveux chatouiller mon torse alors qu'elle s'agitait. Fixant la toile du lit à baldaquin qui avait abrité notre nuit, je ne pouvais voir l'expression de son visage. Elle s'était désormais complètement redressée et, par l'immobilité soudaine de son corps, je déduisis qu'elle me regardait et avait découvert le malaise qui m'habitait. J'espérais qu'elle lirait la culpabilité sur mon visage même si je souhaitais également que mon repenti ne diminue en rien les remontrances qu'elle pourrait me faire.
- Edward, souffla-t-elle, la voix cassée probablement à cause de la douleur qu'elle ressentait, que se passe-t-il ?
Je mettais attendu à une fin de phrase quelque peu différente telle que " pourquoi m'as-tu fais cela ? " ou encore " mais qu'est ce qu'il t'a pris ? ". Cependant, l'interrogation qu'elle venait de prononcer me désarçonnait totalement et me mettait en colère. Comment pouvait-elle me demander cela ? Comment pouvait-elle faire pour laisser croire que rien ne s'était passé ?
- Parce que tu as besoin de poser la question ?
Ma voix avait été forte, brusque. J'avais rarement employé ce ton en m'adressant à elle et je savais que j'avais tord de lui parler de la sorte. Posant pour la première fois depuis son réveil mes yeux sur elle, je vis que Bella était plongée dans une réflexion profonde. Elle semblait également... triste ? J’étais sans nul doute la cause de cette tristesse et une boule se forma dans mon ventre en constatant cela. Des rides étaient apparues, une fois de plus, sur son front pale et j'avais besoin de savoir où ses réflexions la menaient.
- A quoi songes-tu ? soufflais-je, le timbre aussi calme et doux que j'en étais capable à cet instant.
- Tu es bouleversé. Je ne comprends pas. Ai-je...
Elle n'acheva pas sa phrase et celle-ci ne m'aidait pas à savoir ce qu'elle ressentait exactement. Je me décida donc à poser la question fatidique, bien que la réponse me terrifiait :
- As-tu très mal Bella ? Et épargne-moi les mensonges, je t'en prie.
Ses sourcils se froncèrent et l'incompréhension défigura ses traits.
- Mal ?
Je pris une profonde inspiration alors qu'elle pliait doucement ses bras, ses jambes, bougea ses épaules dans le but de comprendre pourquoi je lui avais posé une telle question. Une fois cette analyse effectuée, elle me fixa de nouveau et, dans ses prunelles, la tristesse semblait avoir laissé place à l'énervement et à la colère.
- Pourquoi sautes-tu à la conclusion que j'ai mal quelque part ? Je ne me suis jamais sentie aussi bien que maintenant.
- Arrête ! criais-je presque.
- Mais arrêter quoi ?
- De te comporter comme si je n'étais pas le monstre qui a accepté de t'infliger cela.
- Edward ! Ne redis jamais ça ! murmura-t-elle, sa douce voix chatouillant mes oreilles.
Je ne pouvais en supporter d'avantage. Comme je m'y étais attendu, Bella ne semblait pas m'en vouloir pour toutes les blessures que je lui avais infligées. Ce que je n'avais pas prévu, en revanche, était son refus catégorique d'accepter la vérité. Bella ne voulait pas admettre, malgré mes derniers actes, que j'étais un monstre indigne d'elle. Je ne parvenais plus à regarder les blessures qui ornaient son corps et défiguraient son visage. Par conséquent, je ferma les yeux.
- Regarde-toi Bella. Ensuite, ose me dire que je ne suis pas un monstre.
Je ne voyais pas ce qu'elle était en train de faire mais je la sentais s'agiter doucement à mes côtés.
- Pourquoi suis-je couverte de plumes ?
L'exaspération m'envahit face à son incompréhension en même temps qu'une vague de culpabilité déferla dans mon corps. Je revoyais la scène de la nuit. La femme que j'aimais été serrée contre moi et j'étais incapable de me retenir. Son odeur envahissait la pièce et embaumait l'air qui m'entourait. Comme la première fois où cette senteur avait pénétré mes narines, j'avais eu besoin de m'abreuver de son sang comme si cela était nécessaire à ma survie. A cet instant, je n'étais plus réellement conscient de mes actes et je m'approchais dangereusement des veines si appétissantes de son corps. Juste avant que je ne commette l'irréparable, Bella, dans un demi-souffle, me murmura qu'elle m'aimait. En une fraction de seconde, je me souvins de ce qui se passait et de la personne avec laquelle je me trouvais. Je ne pouvais tuer celle-ci car elle était la personne la plus importante de ma vie, celle sans qui je n'étais plus rien. Je bloquais alors ma respiration mais ne pus m'arrêter dans mon élan et mes dents acérées se plantèrent dans l'édredon qui se situait juste à côté de la tête de ma Bella.
La question que celle-ci venait de me poser me montrait qu'elle ne s'était aperçue de rien, trop occupée par ce que nous étions en train de vivre. Je n'avais pas envie de revenir immédiatement sur cet épisode de notre nuit. Je préférais qu'elle voit le résultat désastreux de celle-ci :
- J'ai mordu un oreiller. Ou deux. Mais je ne parle pas de cela.
- Tu... as mordu un oreiller ? Pourquoi donc ?
Elle continuait de s'attarder sur ce détail alors que l'évidence lui sautait aux yeux. Je pris son bras entre mes doigts et souleva celui-ci afin qu'elle puisse apercevoir les contusions qui l'ornait.
- Regarde, Bella ! Regarde !
Une expression de stupéfaction perça sur son visage et elle commença à analyser les bleus qui avaient pris place sur son corps. Elle posa ses doigts sur ces blessures. J'ignorais dans quel but mais je savais que cela ne pouvait être que douloureux. Un peu de glace apaiserait sans aucun doute ses élancements et je fis glisser mes doigts le long de son bras.
- Oh ! dit-elle dans un souffle.
Ses yeux étaient fixés sur ses plaies. Elle semblait réfléchir, sans doute aux raisons qui m'avaient poussé à la blesser.
- Je... je suis tellement désolé, Bella. J'aurais dû m'en douter. Je n'aurais pas... Je suis si navré que je n'ai pas les mots pour l'exprimer.
Je n'avais jamais ressenti une telle culpabilité. Même au moment où j'avais décidé de quitter Bella et que, à mon retour, j'avais appris à quel point elle avait souffert. A cette époque, la culpabilité m'avait rongé mais je savais que j'avais pris cette décision pour de bonnes raisons, pour protéger Bella. A l'inverse, les actes que j'avais commis cette nuit ne pouvaient être justifiés. Je posa mon bras sur mes yeux dans le but de ne plus voir l'expression choquée de Bella et, d'une certaine façon, pour tenter de ne plus voir la réalité. Pendant de longues secondes, elle resta là sans bouger probablement pour assimiler le fait que son mari, l'être en qui elle devait avoir le plus confiance, n'avait pas été capable de la protéger et l'avait même blessé. Je sentis alors un contact chaud effleurer mon bras. Cette chaleur venait des doigts de Bella et celle-ci tentait de m'enlever le bras de devant les yeux. Mais cela m'était impossible. Si j'en avais encore été capable, des larmes seraient montées dans mes yeux à cet instant.
- Edward, souffla-t-elle tendrement.
Je savais ce qu'elle allait faire, j'avais conscience que lorsque Bella employait ce ton, c'est qu'elle tentait de me consoler, de m'apaiser. Pourtant, j'avais vu sa stupéfaction à la découverte de ses bleus alors qu'elle se demandait comment j'avais pu lui infliger cela. Comment pouvait-elle désormais tenter d'apaiser ma conscience ?
- Edward ? reprit-elle. Moi, je ne suis pas désolée, Edward. Je suis... je n'arrive même pas à le formuler. Je suis tellement comblée ! Et encore, le mot est faible. Ne sois pas fâché. Vraiment. Franchement, je vais...
J'avais donc visé juste. Une fois de plus, l'être adorable qui était à mes côtés faisait passer mes intérêts avant les siens. J'étais incapable d'en supporter d'avantage. J'aurais préféré qu'elle pleure, qu'elle crie, qu'elle m'en veuille. Tout autre réaction était la bienvenue mais pas celle-ci.
- Stop ! Je ne veux pas entendre que tu vas bien. Si tu tiens à ma raison, ne me redis pas ça.
- Mais c'est vrai !
- Je t'en supplie Bella.
J'espérais qu'elle prendrait ma supplique en considération et qu'elle arrêterait son discours apaisant. Comme je m'y attendais, elle n'en fit rien.
- Non, Edward. Moi, je t'en supplie.
Un trémolo était apparut dans sa voix. Sa main était toujours posée sur mon bras, comme si elle espérait que ce contact me ferait changer d'avis. Je lui fis de nouveau face afin de voir l'expression cause de ce raté dans sa voix.
- Ne me gâche pas ça. Je. Suis. Heureuse.
- J'ai déjà tout gâché.
- Tais-toi ! cria-t-elle. Bon dieu ! Pourquoi ne peux-tu pas lire dans mon esprit ? Ce mutisme mental est un sacré inconvénient !
Mes yeux s'écarquillèrent devant cette révélation. C'était bien la première fois que Bella souhaitait une telle chose.
- C'est nouveau, ça. Tu adores que je ne sois pas en mesure de deviner tes pensées.
- Pas aujourd'hui.
- Pourquoi ?
Cette fois, c'est elle qui semblait exaspérée par mon incompréhension. Il est vrai que c'était la première fois depuis notre rencontre que je ne la comprenais pas rien qu'en la regardant. Elle récupéra sa main qui avait glissé sur mon avant bras et la posa sur mon torse gelé. Le contact de sa peau me rappela des souvenirs nocturnes auxquels je m'interdisais de penser avec plaisir.
- Parce que ton angoisse serait inutile si tu pouvais voir ce que j'éprouve en ce moment. Enfin, il y a cinq minutes. J'étais parfaitement comblée, au nirvana. A présent je suis... furax, en fait.
Enfin une parole censée.
- Tu as raison d'être en colère après moi.
- Je le suis, tu es content ?
- Non. Je crois que rien ne pourra me satisfaire, aujourd'hui.
- Voilà qui me rend furieuse. Tu me gâtes mon plaisir, Edward !
Tout cela était réellement absurde. Quel plaisir pouvait-elle éprouver en cet instant ? Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix s'était apaisée :
- Nous savions que cela serait risqué. Je croyais que c'était entendu. Par ailleurs... eh bien, ç'a été bien plus facile que ce que je prévoyais. Et ces bleus sont des broutilles. A mon avis, pour une première, nous nous sommes débrouillés comme des chefs, alors que nous allions vers l'inconnu. Avec un peu d'entrainement...
Mes yeux, qui étaient de nouveau posés sur le sommet du baldaquin se tournèrent brusquement vers Bella. Elle remarqua ce mouvement et cessa de parler. Pourtant, je savais que ma réaction était justifiée. Il était clairement impossible que nous retentions l'expérience et j'avais eu la naïveté de croire que, même si elle me pardonnait pour la nuit dernière, Bella ne voudrait plus être blessée de la sorte. J'avais encore tout faux.
- Franchement, Bella, tu avais deviné cela ? Que je te ferais du mal ? Avais-tu envisagé pire ? Considères-tu la chose comme un succès parce que tu es encore capable de marcher ? Pas d'os brisés, donc c'est une victoire ?
- J'ignorais à quoi m'attendre. La seule chose certaine, c'est que je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi merveilleux, parfait. Enfin, je ne sais pas comment ç'a été pour toi, mais moi, j'ai trouvé ça génial.
Elle avait baissé les yeux en me posant cette question indirecte. Il était impossible qu'une autre humaine sur cette terre soit assez altruiste pour penser à mon plaisir avant ses douleurs. Mon doigt se posa sous son menton mais elle refusa de relever les yeux.
- Tu t'inquiètes donc de cela ? De mon absence de plaisir ?
- J'ai conscience que ce n'est pas pareil, me répondit-elle, les yeux toujours fixés sur mon torse. Tu n'es pas humain. J'essayais juste de t'expliquer que, en tant qu'humaine, je n'imagine rien d'aussi bon.
Bella était tellement humaine. Comme tous les autres humains, elle avait besoin d'être constamment rassurée, même si elle ne s'en rendait pas toujours compte. Néanmoins, je n'avais pas imaginé qu'elle ait eu besoin d'être rassurée sur cela. Ma bouche se fendit d'un demi-sourire tandis qu'elle releva la tête pour plonger son regard dans le mien.
- J'ai l'impression que j'ai d'autres excuses à te présenter. Je n'aurais pas osé imaginer que tu puisses interpréter mon bouleversement après ce que je t'ai infligé hier comme... eh bien, comme si ça n'avait pas été la meilleure nuit de ma vie. Mais je m'interdis de l'envisager ainsi, pas quand tu...
- C'est vrai ? me coupa-t-elle. La meilleure ?
Ses yeux s'étaient soudainement éclairés et sa voix était beaucoup plus enjouée, comme à l'accoutumé. Si le reste de la situation n'avait pas été aussi tragique, j'aurais éclaté de rire face à ce changement brutal d'expression. Comme cela semblait important pour elle, je me devais, en ma qualité de mari, de la rassurer sur ce point.
- Après que toi et moi avons conclu notre accord, j'ai discuté avec Carlisle dans l'espoir qu'il saurait m'aider. Naturellement, il m'a prévenu que cela risquait d'être très dangereux pour toi. Mais il a eu foi en moi... une foi imméritée.
Sa bouche s'entrouvrit immédiatement. Je savais ce qu'elle allait dire, qu'elle allait une fois de plus nier cette évidence mais autant ne pas perdre de temps avec ces billevesées. Mon doigt se posa délicatement sur ses lèvres et elle referma la bouche, renonçant à prononcer le moindre mot.
- Je lui ai également demandé ce que j'allais éprouver... parce que je suis un vampire. Il m'a répondu que c'était une sensation très puissante, qui ne ressemblait à rien. Pour lui, l'amour physique n'est pas une chose à prendre à la légère. Vu nos tempéraments changeants, les émotions violentes peuvent nous altérer de façon permanente. Il m'a cependant conseillé de ne pas m'inquiéter de cela, que tu m'avais déjà complètement transformé.
Je ne pus m'empêcher de sourire en évoquant ce souvenir et, comme s'il déteignait sur le visage de Bella, ses lèvres se fendirent également. Elle semblait plus calme désormais, comme soulagée d'un poids.
- J'ai aussi parlé à mes frères. Ils ont évoqué un intense plaisir. En deuxième position après celui que procure le sang humain. Mais j'ai déjà goûté le tien, et aucun sang n'est aussi puissant que ça... Je ne crois pas que Jasper et Emmett se trompent. Juste que, pour nous, ç'a été différent. Plus fort.
- Oui, ç'a été plus fort. C'a été nous.
Elle avait raison, bien évidemment. Je ressentais la même chose qu'elle mais je ne pouvais ignorer le mauvais traitement que je lui avais fais subir.
- Cela n'enlève rien à mes torts. Même si ce que tu affirmes est vrai.
- Comment ça ? Tu crois que j'invente ? Pourquoi ferais-je un truc pareil ?
- Pour alléger ma conscience. Je ne peux pas ignorer l'évidence, Bella. Ni ta mauvaise habitude de vouloir m'innocenter quand je commets des erreurs.
Elle prit mon visage entre ses mains si bien que nos nez se touchaient presque. Dans cette position, j'avais l'impression qu'elle tentait de se faire obéir d'un enfant capricieux ou qu'elle voulait m'hypnotiser afin de faire rentrer cette information dans ma tête.
- Ecoute-moi, Edward Cullen. Je ne te raconte pas d'histoires pour que tu te sentes mieux, pigé ? Je ne savais même pas qu'il fallait te rassurer avant de comprendre que tu étais mal. Je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie, même le jour où tu as décidé que tu m'aimais trop pour me tuer, même le matin où je me suis réveillée pour découvrir que tu m'attendais... même lorsque j'ai entendu ta voix dans le studio de danse (je détestais réellement l'entendre évoquer ce souvenir. N'en avait-elle aucun autre à me soumettre ?) ni quand tu as dit "oui" et que j'ai compris que tu étais mien pour toujours. Voilà les moments les plus heureux de mon existence, or la nuit que nous venons de vivre est encore mieux. Alors, fais avec et cesse de te torturer !
De nouvelles rides étaient apparues sur son front. Je ne voulais pas qu'elle soit contrariée de la sorte.
- Je te rends malheureuse, en ce moment. Je n'ai pas envie de te rendre malheureuse.
- Alors ne le soit pas toi-même. C'est le seul truc qui cloche, là.
Elle paraissait réellement triste en cet instant. Il est vrai que, maintenant qu'elle avait compris mon désarroi et qu'elle m'avait pardonnée - un peu trop facilement néanmoins - il était inutile de gâcher le reste de notre séjour à cause de cette expérience qui avait mal fini. En tout état de cause, il était impossible de revenir en arrière.
- Tu as raison. Le passé est le passé, je ne peux rien y changer. Inutile de laisser mon humeur gâcher la tienne. Je ferai tout ce que tu voudras pour que ton bonheur perdure.
Elle semblait surprise de me voir me pardonner si facilement. Je lui souris afin de lui prouver que, désormais, je passerais cet épisode sous silence.
- Tout ?
Je savais que cette question était lourde de sens. A cet instant, son ventre émit une contestation bruyante.
- Tu as faim, remarquais-je.
Pour le moment, je n'aurais pas à répondre à cette interrogation. Je savais que la réponse que je donnerais à Bella allait la contrarier. J'allais désormais m'afférer à lui faire passer un séjour unique et magnifique en m'abstenant toutefois de poser un peu trop longtemps mes mains brutales sur son corps si fragile.
Orthographe : 2 et 1
Respect des consignes : 1 et 1
Respect de l'histoire et du sujet : 5 et 4
Originalité : 6 et 6
Emotion : 2 et 2
Moyennes : 16 et 14
Total : 15
Commentaire de Keedie : Les - : Quelques fautes d’orthographe.
Les + : Tu as bien respecté l’œuvre et le sujet. C’est très jolie le coup de la musique et tout. C’est vraiment bien trouvé. Et tu décris bien le passage.
Commentaire de Cinderella : Beaucoup de fautes d'orthographe, qui n'empêchent pas une bonne lecture du texte. C'est une histoire originale, ou tu as su combler les manques de l'œuvre originale. Cependant, je n'ai pas été particulièrement émue par ton histoire, bien que ce soit très personnel comme notation.
Respect des consignes : 1 et 1
Respect de l'histoire et du sujet : 5 et 4
Originalité : 6 et 6
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Commentaire de Keedie : Les - : Quelques fautes d’orthographe.
Les + : Tu as bien respecté l’œuvre et le sujet. C’est très jolie le coup de la musique et tout. C’est vraiment bien trouvé. Et tu décris bien le passage.
Commentaire de Cinderella : Beaucoup de fautes d'orthographe, qui n'empêchent pas une bonne lecture du texte. C'est une histoire originale, ou tu as su combler les manques de l'œuvre originale. Cependant, je n'ai pas été particulièrement émue par ton histoire, bien que ce soit très personnel comme notation.